Lors du départ d’un salarié et ce quelles qu’en soient les raisons, son employeur est soumis à un certain nombre d’obligations légales. Certaines d’entre elles sont connues et entrent dans un cadre règlementaire. Pour d'autres, le périmètre est flou.

Nous nous sommes interrogés sur la conservation de la messagerie professionnelle d’un salarié à l’issue de son contrat de travail.

A cet effet, nous avons interviewé Delphine CUYNET Directrice Générale de la Fédération EBEN (*).

(*) issue du regroupement de plusieurs associations professionnelles (FEB, FICOME et plus récemment S.I.N.), elle rassemble les entreprises de distribution de solutions et équipements pour l'environnement de travail.

En tout premier lieu considère-t-on la messagerie professionnelle nominative d’un salarié comme une donnée ou un outil personnel ?

Dans la mesure où cette adresse de messagerie est nominative, celle-ci répond à la notion de donnée personnelle.

Tel ne serait pas le cas d’une adresse électronique professionnelle dite « générique », qui ne contient dans son intitulé aucun élément permettant de la rattacher à une personne physique.

Le devenir de la messagerie d’un salarié lors de son départ de l’entreprise est-il explicitement traité dans le droit du travail ?

Le droit du travail (au sens large) s’empare bien de ce sujet, mais il n’est pas traité de manière explicite dans le code du travail, dont la vocation est de venir poser des règles abstraites, pouvant s’appliquer à un maximum de situations.

En revanche, la jurisprudence a pu les appliquer à ce cas précis. C’est ainsi que la Cour de cassation a pu poser un principe de présomption de caractère professionnel des messages reçus sur la boite électronique professionnelle d’un salarié, sauf s’ils sont identifiés comme personnels (Cass. soc. 15 décembre 2015, n° 08-42.486). Néanmoins, elle ne dit rien sur le sort de la boite mail une fois que le salarié a quitté l’entreprise.

En l’absence de règles légales, à quels principes l’employeur doit-il se référer et à quels risques s’expose-t-il ?

S’il n’y a pas de règles légales, la CNIL a néanmoins émis des recommandations sur le sujet, indiquant que : « les modalités de fermeture du compte utilisateur du salarié (sont) organisées par la charte informatique et l’employeur averti le salarié de la date de fermeture de son compte, afin de lui permettre de vider sa messagerie puis que, par la suite, l’adresse électronique nominative du salarié soit supprimée. » Ainsi, cette question est censée être traitée dans la charte informatique de l’employeur qui est une annexe du règlement intérieur, si celle-ci existe.

Dans une réponse aux questions, elle indique également qu’une fois que l’employé a quitté l’organisme, l’employeur doit supprimer son adresse électronique nominative.

Un règlement ou une charte interne à l’entreprise peut-elle répondre à cette question ?

Effectivement, il s’agit d’un sujet qui peut être traité par ce biais. Généralement, la charte informatique va être annexée au règlement intérieur, pour obéir au même régime juridique. Néanmoins, aucune obligation légale n’impose la mise en place d’une charte informatique en interne.

Ainsi, si rien n’est prévu dans votre charte informatique à ce sujet ou si vous n’avez pas mis en place une telle charte, nous ne pouvons que vivement vous recommander d’informer le salarié de la date de clôture de ses accès utilisateur à sa messagerie professionnelle nominative, afin qu’il soit en mesure de supprimer les éventuels mails de nature personnelle qui s’y trouveraient.

En conclusion quel serait votre ou vos recommandation(s) ?

Il peut être utile de revenir sur le sujet de la messagerie professionnelle à la sortie du salarié des effectifs, afin d’apporter quelques précisions.

Bien entendu, il est recommandé pour l’employeur de clôturer définitivement cette messagerie dans un délai raisonnable. Mais aucune règle, si ce n’est celle à laquelle vous vous seriez engagé dans une charte informatique, ne vous impose de clôturer au jour du départ la messagerie professionnelle du salarié (en revanche, clôturer les accès du salarié sortant est bien entendu recommandé).

Conserver cette messagerie pendant un certain délai peut s’avérer primordial, pour la continuité du service ou du suivi de certains dossiers entamés par le salarié parti.